jeudi 4 octobre 2012

Comment apprendre le Tango ?

Voici encore une question aux multiples réponses et surtout aux égarements faciles !
Force est de constater que chacun fait un peu à sa sauce et que le débutant ne peut qu'avaler sans toujours pouvoir déguster ou digérer... Cela étant d'ailleurs parfois un moindre mal !

Pour ne parler que de choses positives et en évitant un sujet qui fâcherait certainement la plus grande majorité des professeurs, je résumerai en disant que l'apprentissage du tango passe par plusieurs étapes qui ne sont pas forcément chronologiques ni simplement logiques: chacun découvrant divers aspects de la danse en fonction de ses capacités, envies, attentes... Et des rencontres.

LE PHYSIQUE: comme pour toute danse, le corps est mobilisé; il va donc falloir le préparer et l'entrainer. Cela se fait certes au fil du temps, simplement en dansant, mais aussi (et surtout) en travaillant de manière spécifique sur les muscles, les articulations, la mécanique du corps, l'équilibre, le fameux "axe" et quelques autres éléments et concepts plus subtils, comme par exemple le "contact avec le sol", la respiration, les oppositions entre tension et souplesse, entre le haut et le bas du corps, etc.

LA CONSCIENCE: car hors de la compréhension de ce qui ce passe, de ce que l'on fait, il est difficile de réellement intégrer ce que l'on apprend ou découvre; c'est là un des rôles importants de l'enseignant: faire comprendre ce qui se passe plutôt que de demander de copier un modèle. Cela amène à aborder des aspects touchant à la personnalité, au psychisme de chacun, aux désirs plus ou moins conscients qui s'expriment dans la danse.

LA CONNEXION: c'est sortir de soi pour toucher ce qui m'entourre, chercher à le comprendre dans ses fonctionnemens, dans ses différences. La relation à l'autre oblige à se remettre en question car le Tango en tant que danse n'a pas de vérités absolues: il est toujours le résultat d'une rencontre entre deux personnes qui cherchent à se comprendre (personnellement et mutuellement). C'est une frontière fluctuante, le monde de la dualité, de la rencontre des opposés...

LA CREATION: lorsque la rencontre a eu lieu, qu'un couple dansant évolue, une sorte de troisième entité se crée: une émanation de nos dualités, de nos acceptations; un espace où ce qui se passe va au-delà des capacités des deux danseurs... Serait-ce le terrain de naissance d'une forme d'état de grâce, tant recherché par les danseurs, les artistes et autres chercheurs d'une réalité plus authentique ?


...Le fait de faire tout cela au sein d'un groupe est aussi significatif de notre besoin d'appartenance, de notre besoin de reconnaissance. C'est le lieu d'adhésion à des règles et codes communément acceptés: le cadre dans lequel chacun a la liberté d'exister, de s'exprimer et d'évoluer. Si l'on pouvait faire une analogie avec d'autres groupes, tels qu'ils se sont créés au fil du temps (les tribus, les villages, les ethnies, les nations), on pourrait extrapoler notre attitude à celle de l'humanité qui se cherche depuis sa naissance: son évolution n'a jamais cessé et nous adhérons à des valeurs considérées par tous comme nécessaires au groupe, comme l'honnêteté, la justice, la solidarité, l'entraide, ...

Peut-être est-ce aussi l'occasion de se demander quelle est notre rôle, notre attitude, nos actions, au sein de ce groupe. Puis-je seulement agir sans générer des conséquences sur autrui ? Ne pourrais-je pas élargir ma vision pour avoir un regard plus large sur ce que je suis, sur ma propre humanité et sur ce qu'est l'Humanité aujourd'hui ?

Le Tango ne pourrait-il pas devenir une occasion d'élargir notre conscience, relier ce qui est en bas avec ce qui est en haut ? Et même sans aller si loin, je pense que l'exploration de la danse, la rupture avec nos certitudes sur celle-ci, sur ce qui est socialement (et souvent commercialement) accepté, est une bonne occasion de (re)trouver notre vraie liberté, la force de dire dans le mouvement ce que je ressens et ce que je suis...

Le Tango s'apprend de l'intérieur, depuis le vécu et le ressenti. Il exige de faire sien ce qui est proposé, de l'intégrer et le transformer pour que la danse naisse telle qu'elle le fait depuis ses débuts: à partir de l'envie et du besoin de danser, de s'exprimer, d'exister. Elle se prépare, se construit et se travaille afin de pouvoir être libre et s'improviser à chaque instant. Elle ne demande qu'à poursuivre sa création !!